Genesis

Celui qui trouvait la voie du Héros


 « La Vengeance est souvent la déraison des plus faibles et l’atout maître des plus forts… »

Les prémices de mes aventures prennent leurs racines à Grand-Foire, la fameuse capitale commerciale de Barsaive. Les derniers évènements de ma vie d’aventurier avaient consisté à retrouver la cadette de la famille Rague dont la disparition avait été attribué à un enlèvement. Cette enquête avait fini par me mener en territoire t’skrang où une horreur qui se faisait appeler le Croquemitaine détenait captifs des enfants, provenant des familles les plus aisées de la capitale, avant de les dévorer. Lors de mes explorations, je découvris le carnage de cette horreur au milieu duquel se trouvait un petit coffre qui contenait un vieux parchemin, recouvert de glyphes, dont la signification approchait :

Les Passions sont intermédiaires entre les donneurs-de-noms et l’univers. Elles sont toutes les émotions qui vivent en nous et toutes les émotions que nous partageons avec ce monde.

Gil Galad, Pointe d’Argent - Floranuus - Ombre de la Montagne

Garde cette lueur dans les yeux, fils. J’ai vu des choses qui brillaient davantage encore. Quand tu verras ce que j’ai vu, toi aussi tu risqueras la mort pour tenir ces trésors entre tes mains, pour les posséder.

Ces écrits me parurent si énigmatiques que je m’en gardai bien d’en parler à quiconque. L’allusion qui me perturbait le plus concernait la mention de mon nom, en effet, si ces écrits m’étaient destinés qui possédait un pouvoir suffisant pour prévoir, à l’avance, que je serais capable de trouver le parchemin, dans le carnage du Croquemitaine ?

De retour de cette aventure, tandis que je m’imaginais séjourner quelques semaines à Grand-Foire, mon supérieur hiérarchique, le Commandeur adepte troubadour orque Glacius Belle Voix, me fit appeler au siège de la fondation de l’Amarante pour une mission de reconnaissance. Lorsque j’entrai dans son bureau, l’adepte orque était penché sur une vieille carte des Monts Throal et de leurs environs. Il semblait tout particulièrement intéressé par une région dans laquelle se situait une antenne de la fondation d’Amarante : la confrérie de Bercham. Lorsque Glacius Belle Voix s’aperçut de mon arrivée, il m’invita à prendre place sur un des sièges de son bureau et rentra dans le vif du sujet. Depuis la création de la fondation d’Amarante, il était établi que les confréries devaient garder le contact avec la commanderie la plus proche une fois par semaine. Or, la confrérie de Bercham, dirigée par le Maître Allister n’avait pas donné de signe de vie depuis trois longues semaines. Cette situation avait engendré de nombreuses rumeurs entre les murs du siège de Grand-Foire et les hautes sphères de la commanderie.

Sur la demande du Commandeur Glacius Belle Voix, je devais donc me rendre à la confrérie de Bercham et faire un rapport complet de l’activité qui y régnait lors de mon arrivée. Après tout, une petite randonnée dans les Monts Throal ne se refusait pas et l’air de la montagne me ferait probablement le plus grand bien. Je pris congé de l’adepte orque troubadour et sortis du siège de la fondation d’Amarante. Dès que mes pas foulèrent la Voie Royale, véritable artère de la capitale, je commençai à rechercher mes compagnons de route : l’adepte voleur nain Gotrek l’Intouchable et l’adepte archer elfe Elfos de Roth, car la première règle des aventuriers stipulait de ne jamais voyager seul dans Barsaive. Étant donné que la seconde règle était de toujours suivre la première règle, j’avais donc deux bonnes raisons de faire appel à mes camarades.

Un petit tour dans les guildes me permit de les retrouver très facilement. Je savais que l’aventure était une raison suffisante de départ pour mes compères et les dangers que nous avions traversé par le passé étaient à l’origine d’une amitié sans faille. Comme je m’y attendais, Gotrek et Elfos ne se firent pas prier pour m’accompagner et ainsi nous nous dirigeâmes vers une échoppe de la famille Rague afin de se munir de l’équipement nécessaire à notre excursion.

Les Monts Throal présentaient un relief trop abrupt et déchiqueté pour avoir recours à des montures, seuls suffisaient donc des manteaux de fourrure épais et confortables conçus pour résister au froid des sommets et des rations de voyage pour trois personnes. Sans plus tarder, nous laissâmes derrière nous les trois arches béantes de Throal, pour faire face aux sentiers ascendants menant à la confrérie de Bercham.

Le voyage ne présentait pas de difficulté particulière, la voie que nous empruntions avait été sécurisée au cours du temps par les nombreux allers et venues des membres de la fondation d’Amarante. De notre ascension facilitée par les manteaux de fourrure, en passant par les magnifiques rayons de soleil qui accompagnaient notre avancée, les Passions semblaient bénir nos progrès dans les Monts Throal. La seule activité suspecte du voyage prit forme lors de mon tour de garde du troisième jour. Tandis que j’effectuais ma ronde autour du campement, je perçus un capharnaüm de bruits étranges dont la source se situait derrière un rocher qui me faisait face. Je brandis ma rapière, prêt à en découdre avec un potentiel adversaire, puis j’approchai à pas de velours. Lorsque je fus assez proche pour que mon quartz luminescent illumine la cause de mes inquiétudes, j’aperçus Mo, la belette de Gotrek, engagée dans un corps à corps endiablé avec la bouteille de vin elfique de mon camarade Elfos. Cette dernière semblait apprécier à sa juste valeur le breuvage des Elfes et s’en délectait avec empressement. Ainsi, je m’approchai de la belette et lui chuchotai avecun petit rire non dissimulé :

« Shhh…doucement…si Elfos se réveille, tu vas voir…n’oublie pas de remettre la bouteille en place… »

La belette m’échangea un hochement de la tête plein de malice et continua à s’abreuver de l’élixir elfe en toute sérénité. Au bout de cinq jours, nous arrivâmes, en milieu d’après-midi, aux abords de la confrérie de Bercham. Un vent glacial nous traversait en provoquant de détestables frissons et des croassements rauques de corbeaux entonnaient un concerto funèbre de mauvais augure. Tandis que nous empruntions la voie d’accès vers l’entrée principale de la confrérie, un reflux nauséabond de puanteur parvint à nos narines. Cette odeur était familière aux aventuriers de Barsaive, mon regard croisa celui de mes compagnons et nous entrâmes, au pas de course, dans la cour de la confrérie : le spectacle qui s’offrit à nous confirma nos soupçons. Il s’agissait de la subtile fragrance de la Mort qui rôdait dans les murailles de l’antenne de la fondation d’Amarante.

Des cadavres de donneurs-de-noms portant la Rose des Vents jonchaient le sol de la cour. Une quarantaine de membres de la fondation d’Amarante gisaient dans la non vie. Les visages des victimes étaient marqués d’une violente terreur, la plupart d’entre eux n’avaient même pas eu le temps de sortir leurs lames de leurs fourreaux : une attaque par surprise. Les blessures et les entailles profondes relevaient d’une sauvagerie incomparable : certains avaient été décapités, d’autres démembrés, les plus malchanceux avaient été frappés à une vingtaine de reprises : la piste du carnage d’horreur ne tenait donc pas la route.

Mais quelle était l’identité des bourreaux de la confrérie de Bercham ?
Quelles étaient donc leurs raisons pour perpétrer un tel acte de sauvagerie ?

Avec bien des difficultés, je réussis à contenir mes montées de nausée. Pendant que je me ressaisissais, nous décidâmes de fouiller les bureaux et les chambrées. Le secrétariat de la confrérie était en proie à un désordre indicible, les tables de travail étaient renversées, les archives et les dossiers brûlés. Nos recherches se révélèrent bien infructueuses dans cette section du bâtiment.

Du côté des chambres allouées aux membres de la fondation de l’Amarante, nous découvrîmes des matelas éventrés, des étagères brisées et des placards fouillés. Sur certains lits se trouvaient encore les corps de pauvres innocents qui avaient été égorgés sauvagement et dont le sang formait une large et sinistre auréole de sang rougeâtre. D’autres chambres avaient servi de lieu d’exécutions massives où les cadavres s’enchevêtraient, les uns sur les autres, dans une pestilence répugnante et suffocante. Je ne pus m’empêcher de céder à mes nausées à la vue d’une telle barbarie. J’avais, à coup sûr, côtoyé quelques uns d’entre eux, ils avaient des ambitions, des rêves, des amis, des familles et ils servaient, au même titre que moi, la fondation d’Amarante. J’aurais très bien pu être à leur place…

La chambre suivante appartenait au frère voyageur Fairwell, ainsi que l’indiquait un panneau sur la porte d’entrée. Or, la pièce était vierge de toute fouille, de tout massacre, et bien au contraire, il s’y trouvait un lit immaculé, un bureau parfaitement rangé sur lequel semblaient disposées des notes et des étagères garnies de livres rangés avec soin et précaution.

Pourquoi cette chambre demeurait-elle bien ordonnée malgré le Chaos régnant sur la confrérie ?

Après des recherches minutieuses, je trouvai sous le lit des cordages érodés et une section de bois dont une surface était recouverte d’une mystérieuse poudre de métal brillante et orangée. De plus, les investigations d’Elfos et de Gotrek nous permirent de mettre la main sur une note manuscrite très curieuse :

17 heures - Rendez-vous à l’auberge de la Rouge Mance

La surprise qui avait été nôtre lors de la découverte du site et nos investigations dans les bureaux et les chambres nous avaient fait perdre de vue la tombée de la nuit. Ainsi, nous décidâmes de nous rendre au petit village de Bercham, situé à une heure de marche de la confrérie de la fondation d’Amarante. Durant le trajet, nous restâmes longtemps interdits devant les atrocités auxquelles nous venions d’être confrontés. Du haut d’une colline, le petit village se dessinait sous nos yeux : il s’agissait d’un regroupement d’une dizaine d’habitations parmi lesquelles se distinguaient facilement l’auberge et la taverne dont les jeux de lumière perçaient l’obscurité de la nuit.

Nous entrâmes dans le village en prenant la direction de l’auberge afin de trouver une chambre pour la nuit. Une fois dans l’établissement, une vieille Orque de forte stature, aux longs cheveux bruns coiffés en nattes, nous fit face derrière son comptoir. Gotrek s’empressa de lui demander, avec l’amabilité que nous lui connaissions bien, si nous pouvions louer une de ses chambres pour la nuit.

Malheureusement, les Passions semblaient nous avoir abandonné : l’établissement était complet. Il ne nous restait plus qu’à retrouver l’entrée du village, afin de préparer un campement pour la nuit. Avant d’entamer ces préparatifs, Gotrek souhaitait prendre un verre à la taverne du village pour réchauffer nos corps engourdis par le froid.

La taverne se trouvait à deux pas de l’auberge, en l’espace de quelques secondes nous franchissions le seuil de la porte de l’établissement. Derrière le comptoir se trouvait un nain portant un long tablier blanc. Il s’agissait de Tave, propriétaire de la taverne du village de Bercham. Elfos et Gotrek prirent place au comptoir, bien décidés à goûter aux spécialités régionales. De mon côté, je me remettais tout juste de mes nausées et je ne me sentais pas prêt à ingurgiter de l’alcool. Tave servit à mes compagnons deux verres de la boisson locale, apparemment ce breuvage prenait de l’âge dans un flacon gigantesque dans lequel était placé le corps d’un espagra. Mes amis trinquèrent, puis, dans un élan de vaillance, Elfos but le verre d’un  trait. Soudain, il tomba à la renverse, le visage livide et le corps raidi. Tandis que j’aidais Elfos à respirer en le libérant de l’étreinte de ses vêtements, Gotrek goûta du bout de la langue le breuvage de Tave : un véritable tord-boyaux. Excédé, l’adepte nain voleur asséna un coup de poing puissant au tavernier qui perdit conscience. Tant bien que mal, nous traînâmes Elfos, jusqu’au campement à l’extérieur du village, afin d’y passer la nuit.

Le lendemain matin, la venue d’un groupe de personnes, auprès du campement, nous réveilla. Un Humain d’âge assez avancé, habillé d’une longue robe noire, suivi d’une dizaine de villageois vint à notre rencontre. Cet homme était Malen, le chef du village de Bercham et son apparition n’avait rien d’une visite de courtoisie. Agacé de trouver notre campement aux abords de son village, il nous demanda les raisons à l’origine de notre présence. Ainsi, Elfos répondit que nous venions enquêter sur la tragédie qui s’était opérée entre les murs de la confrérie de Bercham. Sur cette réponse, Malen voulut savoir si l’un d’entre nous appartenait à la fondation d’Amarante. Étant donné que le village pouvait être lié au massacre de la confrérie, j’omis volontairement de me présenter en tant que membre, de manière à ne pas provoquer d’animosité.

Suite à cette entame assez abrupte, j’essayai de questionner les villageois et le chef du village, afin de glaner quelques précieuses informations. Ces derniers semblaient en savoir plus qu’ils ne voulaient bien le dire mais refusaient de se confier. Je décidai donc de révéler mon statut de frère voyageur de la fondation d’Amarante, pour les aider à délivrer des renseignements. Bien au contraire, Malen se sentit trompé et affirma qu’il ne pouvait pas faire confiance à des gens qui agressaient son tavernier et qui déguisaient leurs identités. Il quitta notre campement et nous interdit l’accès à Bercham en fermant ses portes.

Dans un élan d’impulsivité irréfléchie, Gotrek escalada les murs d’enceinte, afin de rattraper Malen et le persuader de la véracité de nos propos. Mais une fois de plus, nos actes provoquèrent des réactions contraires à nos intentions. Les villageois nous enfermèrent dans une de leurs habitations et firent appeler le Commandeur Groutch l’Écorcheur du siège de la fondation d’Amarante pour tirer cette affaire au clair. Dans mon cas, mieux valait désormais attendre l’arrivée de l’Écorcheur car la fuite aurait provoqué son courroux le plus terrible et impardonnable. Nous restâmes ainsi cloîtrés pendant de longs, très longs jours, dans une bâtisse rudimentaire…

Deux semaines plus tard, en pleine matinée, une activité inhabituelle se fit ressentir à l’extérieur. Pas de doute, il était arrivé. Nous nous précipitâmes aux fenêtres de l’habitation et serrâmes les dents à la vue du Commandeur Groutch l’Écorcheur. La stature imposante et musculeuse de Troll me faisait déjà regretter les légers problèmes de communication que nous avions eu à déplorer avec les villageois. Lorsque celui-ci entra dans notre demeure de fortune, je m’attendais à endosser la totale responsabilité des évènements, mais le Troll molesta aussi, de ses paroles, mes deux camarades. Le Commandeur Groutch l’Écorcheur ne prit pas de gants, ses mots brisèrent mon honneur comme du cristal, il me retira l’affaire de la confrérie de Bercham, m’accusa d’incapacité et me renvoya de la fondation d’Amarante en reprenant ma broche. Une fois sa tâche accomplie, il repartit et quitta le village.
De notre côté, nous quittâmes aussitôt le village. La seule chose que nous avions à faire était de retourner à Grand-Foire. Sur le chemin, je n’arrêtais pas de me demander comment les choses avaient pu s’envenimer à ce point. Pour sa part, Gotrek restait sans voix et Mo laissait s’échapper quelques larmes de tristesse, sous l’atmosphère qui animait notre groupe. Quant à Elfos, il était hors de lui, pris d’une colère inouïe après les paroles que le Troll avait osé proférer contre lui. Ainsi désabusé, il nous prit comme témoins d’une promesse solennelle. Désormais, il consacrerait son existence au travail acharné et à l’entraînement afin de pouvoir provoquer en duel le Commandeur Groutch l’Écorcheur et lui faire payer le prix fort. Depuis cette époque, Elfos de Roth a disparu au profit de l’Avatar de la Vengeance : Ombre Blanche.

Une semaine plus tard, nous étions de retour à Grand-Foire. Comme déboussolés dans cet univers qui avait toujours été le nôtre, nous errâmes de longues heures dans la capitale. Tandis que la soirée approchait, à défaut d’une meilleure idée, nous prîmes place à la taverne de la Guilde des maîtres d’armes. Plus les heures passaient et plus l’encombrement des verres vides à notre table s’amplifiait, je ne pouvais pas m’empêcher de penser aux sombres heures que je traversais.

Comment avais-je pu en arriver là ?
J’avais tout perdu, je n’étais plus rien…
Adieu mon honneur de maître d’armes !
Adieu mon appartenance à la fondation d’Amarante !
Que pouvait-il donc m’arriver de pire ?

Tandis que mon esprit divaguait à des milliers de lieues de mon corps, j’eus une vision…celle d’un ange. Puissent mes mots parvenir à une description sans réaliser de parjure à une telle beauté. Il s’agissait d’une jeune femme au teint d’albâtre, son déluge de cheveux châtains rivalisait de magnificence avec son visage angélique et l’éclat enchanteur de ses yeux vert émeraude. Je me frottai les yeux, incrédule, convaincu de dissiper cette illusion, mais elle était toujours là. Douce, tendre, suave, féline…à n’en pas douter, elle était adepte maître d’armes. Elle portait avec élégance un indécent chemisier blanc qui se mariait à la perfection avec ses formes voluptueuses, moulées dans son pantalon de cuir beige par-dessus lequel elle avait enfilé de splendides bottes de cuir marrons. Sur mon sursaut frénétique, Gotrek, Mo et Ombre Blanche écarquillèrent les yeux de surprise. Pris d’un désir incontrôlable, je bondis hors de ma chaise, ajustai tant bien que mal mes pas sous l’emprise de l’alcool, et me dirigeai vers elle.

Je m’apprêtais à l’aborder lorsque je remarquai, au niveau de sa délicieuse poitrine, apposée sur son chemisier blanc, un effroyable clin d’œil du destin, une broche de la fondation d’Amarante.

Félicitations, mon grand…
Le jour où tu rencontres l’âme sœur…
Tu te rends compte qu’elle fait partie de la fondation d’Amarante…
Et que toi tu en es viré…
Les Passions me réserveraient-elles d’autres surprises dans ce genre ?

Malgré tout, je me présentai auprès de la damoiselle, déstabilisé par une constatation aussi affligeante. La jeune Humaine se présenta de même, elle répondait au nom mélodieux de Déborah, Lady Dérobade. Son nom seul était un appel torride à la passion et sa voix une douce symphonie jouée à mon cœur conquis. Malgré tout l’enchantement de notre rencontre, l’Humaine semblait engagée dans des occupations qui devaient la tenir éloignée de moi. Ainsi, elle sortit de la Guilde des maîtres d’armes et tandis que je regardais sa silhouette envoûtante disparaître, j’en oubliai de respirer et de laisser battre mon cœur…

La ruine d’un homme tel que moi ne pouvait pas plaire à une telle femme…
Je devais me reprendre !
Si ce n’était pas pour Lady Dérobade…
Si ce n’était pas pour la fondation d’Amarante…
Au moins que ce soit pour l’Honneur !
Comment avait-on pu nous juger sur une seule méprise ?
Moi, Gil Galad Pointe d’Argent, je ne pouvais accepter cela !

Lorsque je revins à la table de mes compagnons, je n’étais plus le même homme ; je tapai du poing sur la table, m’écriant que nous ne pouvions pas en rester là. Ombre Blanche approuva d’un hochement de la tête et Gotrek décocha un sourire partagé. Nous nous levâmes tous trois, partageâmes une accolade fraternelle, tandis que Mo, euphorique, dansait sur la table de la taverne. Dès le lendemain, Ombre Blanche et moi partirions à la recherche d’indices sur les cordages et la section de bois en notre possession et Gotrek chercherait la localisation de l’auberge de la Rouge Mance.

En ce qui concerne mes recherches et celles d’Ombre Blanche, elles se révélèrent infructueuses, mais Gotrek, de son côté, avait appris que l’auberge de la Rouge Mance était un établissement tenu par le nain Adam Bogue, près des arches de Throal. Nous nous rendîmes à l’adresse indiquée par les contacts de Gotrek à la Guilde des voleurs, mais préférant jouer sur le fort sentiment d’entraide régnant chez le peuple nain, nous laissâmes Gotrek agir seul. Ce choix se révéla excellent puisque l’adepte nain voleur apprit qu’un certain Flog, dont le signalement correspondait étrangement à celui du frère voyageur Fairwell, avait eu une discussion mouvementée concernant des cordages, avec un troll montagnard, qui s’était abrégée par une bagarre.

Des trolls montagnards… les bourreaux de la confrérie de Bercham… pourquoi pas ?
Encore restait-il à savoir où pouvaient se trouver ces trolls montagnards ?

Forts des indications de l’aubergiste Adam Bogue, je fis appel à des contacts fidèles au sein de la fondation d’Amarante afin de connaître les principaux foyers de population répertoriés pour les trolls montagnards. Le lendemain, une réponse me parvint, nous avions le choix entre deux zones. La première était située à Barsaive, mais à l’opposé de Grand-Foire : il ne s’agissait probablement pas de la bonne piste. Le second foyer de population se situait, d’après la carte, dans les Monts Throal, à deux jours de marche de la confrérie de Bercham : beaucoup plus intéressant…

Galvanisés par la vague de réussite qui déferlait sur la plage de nos destins, nous effectuâmes des emplettes similaires à notre première excursion et prîmes la route du foyer de population de trolls montagnards. Le voyage se déroula aussi bien que le premier. Sur les jours précédents notre arrivée, nous prîmes l’habitude d’avancer moins vite mais de nous rapprocher de notre cible avec plus de discrétion. Au petit matin du neuvième jour de marche, nous arrivâmes au-devant de la zone indiquée par la carte : il s’agissait d’une cuvette.

Notre intuition semblait juste : une communauté de trolls habitait la région et développait ses activités. La zone d’habitation était constituée d’une quinzaine de huttes rudimentaires, d’un point d’eau et d’une grotte qui semblait s’enfoncer dans les profondeurs des Monts Throal. Apparemment, l’activité des trolls tournait autour de l’extraction minière, mais à bien y regarder ces derniers se contentaient de vider la grotte d’une grande quantité de rochers. Nous restâmes trois jours à étudier les activités et le comportement de la communauté trolle. Durant cette période, Gotrek s’infiltra de nuit dans la zone habitée et découvrit que les rochers extraits de la caverne brillaient comme la section de bois que nous possédions. De mon côté, je mis à jour que les trolls vénéraient une entité qui siégeait dans la grotte et un petit coup d’œil dans l’Astral m’apprit qu’ils étaient tous reliés à une source qui provenait de la caverne.

Mais que pouvaient donc faire ces trolls ?
Et que vénéraient-ils ?

La nuit de notre troisième jour d’observation venue, nous décidâmes de passer à l’action et d’investir la grotte. Après quelques épreuves d’escalade, nous arrivâmes tous trois au pied de la caverne, ni vus, ni connus de la communauté trolle en proie au sommeil. Éclairés par mon quartz luminescent, nous avançâmes dans les méandres ténébreux de la caverne. Soudain, tandis que nous reculions avec effroi, tétanisés par l’horreur du spectacle qui s’offrait à nous, un Vermicrâne sortit de l’obscurité. Il avait cet aspect répugnant d’une armure de plaques complète et sombre comme les ténèbres, dont tous les orifices grouillaient d’un nombre incalculable de vers. L’horreur brandissait une épée d’orichalque et nous menaçait de sa lame.

La surprise atténuée, je prenais ma position de combat aux côtés d’Ombre Blanche lorsque l’horreur déversa sur nous des vagues noirâtres d’énergie qui nous entourèrent afin de réaliser une étreinte si puissante que nous ne pouvions pas nous en défaire. Le combat avait tout juste commencé que les dés étaient déjà jetés en ce qui me concernait et mon camarade elfe. Le Vermicrâne s’approcha de nous afin de nous achever lorsque Gotrek vint s’interposer sur son passage. La terrible lame d’orichalque de notre ennemi asséna un coup terrible à l’adepte voleur qui fut projeté, contre une des parois de la caverne. L’horreur se rua vers Ombre Blanche et lui donna le coup de grâce. Tandis que je hurlais, en réponse à la mort de l’elfe, mes liens de ténèbres se resserrèrent sur moi et mon bourreau, impassible, s’approcha. C’est à ce moment précis qu’une lumière éblouissante illumina la grotte. Sous l’effet de ses rayons purificateurs, le Vermicrâne se disloqua pour enfin tomber au sol quelques secondes plus tard, l’armure de plaques vide et inanimée. Une fois la lumière disparue, je vis Ombre Blanche, debout et guéri de toutes ses blessures…

Mais que s’était-il donc passé ?

Suite à ces évènements, Gotrek poursuivit l’exploration de la caverne tandis que je pansais mes blessures, aidé par mon camarade elfe miraculé. Avant même que je ne lui pose des questions ouvertement, Ombre Blanche tendit vers moi un vieux parchemin, me disant de prêter attention aux chemins de notre destinée commune. Ainsi, à la lumière de mon quartz luminescent, je lus les glyphes dont la signature était identique à ceux qui se trouvaient sur l’écrit que j’avais trouvé, dans le carnage du Croquemitaine...

La légende prend ses racines il y a de cela 500 ans, au tout début du Châtiment, tandis que les donneurs-de-noms prenaient encore refuge dans les kaers. Les Passions, au nombre de douze, régnaient sans conteste sur le monde. Trois d’entre elles : Dis, Raggok et Vestrial furent rejetées par les autres pour avoir passé des pactes avec les Horreurs, des entités maléfiques nées du Chaos et des Ténèbres. Ces dernières furent dès lors appelées les Passions Folles. Les Passions Folles imaginèrent un complot machiavélique pour se venger de leurs frères et créèrent alors une entité capable de plonger Barsaive dans la non vie.

Cette entité possède de nombreux noms selon les régions et les époques auxquelles on se réfère, mais la légende a retenu celui de Zéhmial l’Immonde. Ainsi que Dis, Raggok et Vestrial l’avaient prévu, Zéhmial se rendit sur le plan matériel et détruisit la plupart des habitants de Barsaive.

Les neuf Passions trompées décidèrent de détruire Zéhmial, mais cela ne fut point possible car l’entité était indestructible puisque née de la volonté de Passions. Elles se contentèrent donc de la rendre prisonnière d’un autre plan astral. Les neuf Passions créèrent alors sept enfants, destinés à porter des pierres qui une fois installées dans leurs nuques, pourraient empêcher la venue de Zéhmial, l’Immonde.

Les douze Passions mirent en place les règles du Grand Jeu en décrétant que Zéhmial ne possèderait l’opportunité de revenir sur Barsaive qu’une fois par millénaire, entre les deux éclipses.

Les trois Passions Folles créèrent alors l’Émeraude, une pierre de naissance, qui permettrait à la progéniture de Zéhmial de venir sur Barsaive afin de préparer le retour de son père. Une arme capable de tuer le fils de Zéhmial, la Purificatrice, fut forgée par les Passions pour aider les sept enfants à triompher de cette engeance.

Les enfants, les Dragonautes, furent alors confiées aux Grands Dragons et les pierres à des Porteurs de Lumière qui transmettent leur héritage à leurs successeurs qui porteront le même fardeau : empêcher Zéhmial de revenir sur le plan matériel en détruisant sa progéniture avant même sa naissance ou terrasser Zéhmial et sa progéniture grâce à la Purificatrice et aux pouvoirs des sept pierres.

Je venais juste de terminer ma lecture que l’archer elfe ramassa au sol l'épée d’orichalque. Soudain, pris de spasmes frénétiques, Ombre Blanche se jeta sur moi pour me pulvériser de sa nouvelle arme. Par bonheur, les talents de mêlée de l’adepte archer n’étaient pas aussi aiguisés que ceux d’archerie et une passe d’armes me suffit à le désarmer. Une fois à terre, l’elfe reprit ses esprits, incapable d’expliquer sa conduite. Pour moi, il n’y avait aucun doute, l’épée d’orichalque avait pris possession de mon compagnon. Il s’agissait là d’une arme surpuissante, je ressentais dans se trame des pouvoirs aussi terribles qu’obscurs, peut-être était-ce même celle que l’on appelait la Mangeuse d’âmes. Je décidai donc de la recouvrir soigneusement de tissu, tout en évitant de l’empoigner, et la rangeai dans mon sac de voyage.

Tandis que je me remettais, aux côtés d’Ombre Blanche, des évènements qui se succédaient, Gotrek réapparut, le sourire aux lèvres, nous implorant de le suivre. Sur le chemin, il nous montra un magnifique bouclier de cristal et une hache de lancer qu’il venait de trouver, mais ses découvertes avaient mis à jour un trésor encore plus extraordinaire. Dans un cratère dont la taille dépassait l’entendement, réalisé par le fracas effroyable de leurs naufrages, deux bateaux aériens de facture théranne gisaient au fond de la grotte. De part et d’autres, se trouvaient des débris de coques arrachées, des cordages éreintés et les mâts scindés des deux bâtiments en ruine. Le caractère providentiel de ce spectacle provenait de la nature de la cargaison des deux vaisseaux : les cales étaient remplies d’orichalque, il y avait une quantité suffisante du métal précieux pour s’approprier Grand-Foire !

Tout s’éclaircissait enfin…
La section de bois recouverte de poudre orangée…
Les cordages…
Les extractions minières des trolls…
Et même le carnage de la confrérie de la fondation d’Amarante…

Une fois quelques grammes du précieux alliage récupérés, nous nous précipitâmes au-dehors de la grotte pour regagner au plus vite Grand-Foire. Tandis que nous sortions de la caverne et que nos yeux habitués à l’obscurité se plissaient sous l’assaut de la lumière, un nouveau rebondissement survint. Le ciel était occupé par deux navettes thérannes semblables à celles qui s’étaient échouées, les équipages des bâtiments avaient massacré la communauté trolle et achevaient les derniers survivants. Pendant que nous scrutions, ahuris, cette scène, quatre silhouettes approchèrent dans notre direction. Mes yeux,  à peine habitués à la lueur de l’aube, découvrirent une elfe, un nain, un t’skrang et un obsidien. L’elfe, de grande beauté, semblait être le chef de ce groupe d’individus. Une vision dans l’Astral me permit de découvrir qu’il s’agissait d’adeptes bien plus puissants que nous. Une fois à notre niveau, l’elfe prit une voix pleine de pitié et s’adressa ainsi à nous :

« C’est votre jour de chance, nous n’avons pas de temps pour vous, partez d’ici et vous aurez la vie sauve. »

L’envie de me battre ne me manquait pas, ni même à mes camarades, mais la Vision Astrale m’avait soufflé que ces adeptes étaient bien trop forts pour nous et à trois contre quatre, nos chances seraient bien maigres. Ainsi, nous nous exécutâmes, le cœur aux regrets. Lorsque quelques mètres seulement nous éloignèrent d’eux, le t’skrang nous demanda de laisser à terre l’orichalque que nous emportions. Une fois de plus, nous nous exécutâmes, le cœur de plus en plus empreint d’un désir de vengeance. Avant de partir plus en avant, je demandai à l’elfe son nom et elle me répondit : Sophie Ellis Bextor. Puis, sous leurs regards, nous prîmes les montures du village troll dévasté et quittâmes pour de bon cet endroit. D’après nos conclusions et nos observations, les Thérans en avaient après l’orichalque…

Mais pourquoi ?
Les Thérans se servaient de cette substance comme combustible pour leurs vaisseaux de guerre…
Les béhémots si je me rappelais bien…
Par Floranuus…et si les Thérans avaient décidé d’attaquer Throal !!!

Nous décidâmes qu’il était grand temps d’avertir des autorités supérieures. La seule option qui nous restait et qui demeurait la plus proche de notre position dans les Monts Throal était le siège social de la fondation d’Amarante où siégeait le Grand Commandeur Thanalya, l’Amarante. C’est ainsi que nous entreprîmes une chevauchée fantastique de trois jours, au cours desquels nous ne nous accordâmes aucun repos. Le sort de Grand-Foire et la vie de ma douce et tendre Lady Dérobade étaient entre mes mains, il m’était impossible de céder à la fatigue.

Nous arrivâmes exténués, aux portes du siège de la fondation d’Amarante. Sur ma requête, on nous fit entrer et le Grand Commandeur Thanalya l’Amarante nous reçut dans sa salle d’audience, sur notre insistance répétée. Accablés par l’effort concédé lors de notre voyage, nous donnâmes à la sylpheline tous les détails de nos mésaventures, du carnage de la confrérie de Bercham à la découverte du complot théran. L’adepte érudit légendaire prit ses dispositions pour avertir la commanderie de Grand-Foire et répandre la nouvelle de l’attaque des Thérans, jusqu’à la capitale. Dans sa générosité sans limite, elle me proposa de réintégrer la fondation d’Amarante, dont elle était la fondatrice, et en ouvrit, de même, les portes à mes camarades. J’acceptai avec empressement et dévotion l’offre du Grand Commandeur, au même titre que Gotrek. De son côté, Ombre Blanche refusa cette proposition et je crois bien que son différent avec le commandeur Groutch l’Écorcheur en était la cause. Le message délivré, nous nous reposâmes quelques jours, puis prîmes la route de Grand-Foire.

Pour un maître d’armes qui errait avec si peu d’avenir auparavant, il me semblait que l’aventure embraserait dorénavant tous mes pas. Je me devais de terrasser Zéhmial l’Immonde, de contrôler les pouvoirs chaotiques de la Mangeuse d’âmes, d’accomplir ma vengeance auprès de Sophie Ellis Bextor et de séduire l’élue de mon cœur…

Barsaive…attends-moi…j’arrive…

- Gil Galad Pointe d'Argent

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