Corrompue !

Celui qui défiait la légion du Crépuscule


 « La route vers le succès est souvent celle qui se dissimule le mieux à nos sens. »

-Gil Galad Pointe d'Argent

Je voyageais déjà depuis deux jours en compagnie d’Ombre Blanche et au fur et à mesure de notre avancée, les Monts Throal ne cessaient de gagner en immensité sur la ligne de l’horizon. Les évènements récents qui avaient vu la libération des caravaniers du kaer Keroll avaient profondément bouleversé notre existence.

En ce qui me concerne, une subtile odeur de cannelle m’entourait désormais, un petit présent laissé par une amitié essentielle avec Jab-Bac-Soc. Quant à Ombre Blanche, il semblait beaucoup plus marqué qu’il ne voulait bien le laisser paraître. L’elfe que je connaissais depuis longtemps n’avait eu de cesse de cacher ses sentiments derrière son épaisse armure de plaques complète, mais il n’en restait pas moins sensible. Son comportement traduisait sa peine et sa peine engendrait son comportement. Les longues heures de voyage vers la capitale avait été marqué par le règne d’un silence absolu. Seuls les éléments osaient briser cette loi du silence par le biais des plaintes mélancoliques de la brise de Floranuus qui s’échouait sur nos visages ou bien encore les crépitements du feu que Thystonius laissait entendre, durant nos soirées de campement.

L’adepte archer elfe avait pris l’habitude de travailler en secret sur des écrits de sa composition dont il n’avait pas daigné me montrer le contenu. Ce n’est que la veille de notre arrivée à Grand-Foire que l’elfe fut enclin à me faire part de ses écritures. Il s’agissait d’une ritournelle de son invention, écrite afin de soulager les maux dont il souffrait depuis la disparition des compagnons de Soël d’Amenlune. Le soleil couchant parait son corps de reflets dorés et orangés, Ombre Blanche s’éleva en haut d’un rocher de grande taille et entonna d’une voix claire et cristalline :

« Nous étions jeunes et larges d’épaules
Nous attendions que la mort nous frôle
Nous avons été libéré de notre geôle
Nous avons rejoint les bras d’Éole »

Cet instant était un de ceux comme seul Barsaive pouvait en produire, les larmes de prose déversées par l’elfe sur les plaines désertiques throaliques avaient dû même émouvoir les Passions, tant et si bien que jusqu’au lendemain l’apaisement de Garlen berça notre cœur.

Notre retour à Grand-Foire s’effectua au mieux et tandis que je me séparais d’Ombre Blanche, je décidai comme à mon habitude de louer les services de logement de la Guilde des maîtres d’armes de la capitale, désireux de pouvoir y rencontrer le fantôme de mes nuits et la déraison de mes jours : ma tendre et douce Lady Dérobade. 

Les jours passaient très vite et malgré le repos que j’avais pu goûter, la déception était mienne quant à mes attentes concernant l’élue de mon cœur. Il fallait que j’agisse… je ne pouvais pas rester dans la décrépitude la plus totale à attendre que mon âme sœur se manifeste. J’avais beau calmer mes élans de fougue et essayer de me réconforter du mieux que je le pouvais, mon cœur n’en exultait que plus encore. Tandis que le désespoir frappait à ma porte, une idée salvatrice me traversa l’esprit…

Prenant exemple sur Ombre Blanche et ses dernières frasques littéraires, je décidai de prendre la plume et de composer à l’intention de ma bien-aimée des vers imprégnés de la passion qui animait chacun de mes pas, de mes gestes et de mes pensées. Une journée d’intense réflexion me suffit à mettre au point un poème que je jugeais digne d’exprimer mon fol engouement.

« Deux sont de remarquables maîtres d’armes
Elle l’a frappé en plein cœur de son charme
Il riposte avec finesse sur ses assaillants
On le nomme: Gil Galad, Pointe d’Argent
Elle se dérobe pour porter son estocade
Son nom est Déborah, Lady Dérobade
Leur histoire est une sombre tragédie
Le devoir les sépare, le cœur les lie
Je l’ai vu ce jeune maître d’armes amoureux
Empreint qu’il était d’un désir fougueux
Je l’ai observé cette Lady, cette Beauté
Resplendissant de grâce et de volupté
Ces deux-là ressemblaient à des âmes sœurs
Dont les cœurs étaient en quête de bonheur
L’Astral me souffle que leurs karmas sont liés
Leurs filaments s’entrecroisent pour l’éternité
Je chante aujourd’hui tout haut, ce poème
Car il n’ose, à cœur ouvert, lui dire je t’aime…»

Mais tout ceci n’aurait été qu’un vaste échec, un mémorable coup d’épée dans l’eau si la touche de génie et d’extravagance du maître d’armes n’avait pas embrasé cette intention. Ainsi mon œuvre à la main, je pris le chemin de la Guilde des troubadours de Grand-Foire afin de louer les services d’une vingtaine d’entre eux pour qu’ils chantent mes écrits à travers toute la capitale pendant une durée d’un mois.

Peut-être un jour Lady Dérobade entendrait-elle mes vers ?

Désormais, je me sentais mieux et j’avais l’impression de vivre à nouveau. Durant les jours qui suivirent, je m’autorisai à satisfaire un de mes caprices de maître d’armes auquel je m’étais longtemps refusé: soigner ma tenue vestimentaire. Je me rendis donc à l’échoppe du renommé tailleur nain Charboyya. Il s’agissait d’une magnifique boutique où s’étalaient des tissus plus somptueux les uns que les autres. Je fus accueilli par une ravissante elfe dont les longs cheveux blonds retombaient indécemment sur son opulente poitrine et qui répondait au doux nom de Keleshan. Cette dernière pris toutes les mesures nécessaires à la confection de mes vêtements et pris note de ma commande.

Mon cœur s’embrasa pour une magnifique chemise blanche en soie thérane, un pantalon de cour noir provenant de l’Empire Théran, une veste de qualité identique et assortie à ce dernier ainsi qu’une paire de bottes de cuir noires du plus bel effet. En n’oubliant pas que l’essentiel est accessoire, je m’offris un fourreau dorsal pour la Mangeuse d’âmes, un fourreau pour ma rapière Ténèbre, une broche de garde magnifiquement ouvragée, une ceinture damasquinée, une bourse de ceinture de luxe et pour finir le petit joyau de ma tenue vestimentaire: une splendide cape noire de manufacture thérane dont le revers présentait les ornementations de mes initiales brodées à la main.

Au terme de ma commande, Keleshan m’informa que son maître recherchait des aventuriers pour mener à bien une mission. Lorsque je lui demandai quels étaient les motifs de cette aventure, l’elfe me répondit qu’elle n’était pas au courant mais que son employeur pourrait sûrement m’en apprendre plus dans trois jours, lorsque je reviendrais chercher ma commande. Je passais ces trois journées à m’entraîner en compagnie d’autres adeptes à la Guilde des maîtres d’armes.

Une fois ce délai passé, je repris la route de l’échoppe du tailleur nain le plus réputé de Grand-Foire. Dès mon entrée, Keleshan accourut auprès de moi et me confia mes habits fraîchement confectionnés. Elle m’aida à m’en vêtir et réalisa quelques ajustements sur place. Lorsque nous sortîmes enfin du salon d’essayage, deux personnes se trouvaient dans la boutique…

Il y avait tout d’abord, Ombre Blanche qui manqua de tomber à la vue de mon nouveau caprice et à ses côtés se trouvait un homme brun aux traits sauvages, accompagné d’un espagra et d’un shakta. Il s’agissait de l’adepte maître des animaux Raven, Corbeau Noir. Ce dernier ainsi qu’Ombre Blanche avait été intéressé par l’offre d’aventure de l’employeur de Keleshan. Presque aussitôt, un nain vêtu à la manière des plus grands notables entra dans la pièce et nous fit signe de le rejoindre dans son bureau.

Nous avançâmes tous trois dans sa direction et entrâmes dans un office au mobilier riche et de grand confort. Le nain prit majestueusement place dans un fauteuil, sa barbe bien taillée et sa tenue étaient resplendissantes. Il commença par se présenter à nous puis nous demanda d’en faire de même, il s’agissait du fameux Charboyya. Apparemment le nain était très occupé, le travail qui faisait vivre son commerce ne cessait d’affluer en abondance de l’ensemble de Barsaive.

Ainsi, Charboyya en vint droit au but, il souhaitait en contrepartie d’une forte somme d’argent que nous lui rendions un service. Le nain était originaire du petit village d’Hanto situé à l’ouest de Grand-Foire, sur la traversée du Fleuve Serpent et à proximité du lac Vorst. Or, depuis que ses affaires prospéraient, ce dernier n’avait pas reçu de nouvelles de ses proches. Le tailleur nain nous demanda donc de se rendre à Hanto pour y délivrer des lettres.

Les missives étaient au nombre de quatre: la première s’adressait à sa mère Laveria qui assumait le rôle de chef du village, la seconde se destinait à son frère Emberica dont il nous avertit de la susceptibilité et enfin les deux dernières étaient pour ses deux amies orques Orweia et Chereca. Nous acceptâmes tous trois cette tâche, Ombre Blanche et Raven reçurent de la part du tailleur une copieuse avance en pièces d’argent, quant à moi, la rançon de l’Honneur me suffisait amplement.

Après notre sortie de l’échoppe de Charboyya, nous partîmes chacun de notre côté afin de se munir de rations de voyage et nous donnâmes rendez-vous une heure plus tard aux portes de la capitale.

Le voyage qui devait se dérouler au mieux se révéla être un véritable cauchemar. Le maître des animaux, Raven, Corbeau Noir était en pleine période de dressage avec son espagra. Il était d’ailleurs curieux de se demander lequel des deux dressait l’autre. Or, il s’avéra que son reptile dévora la majeure partie de nos rations de voyage, alors que nous étions plongés en plein sommeil. Essayant de se rattraper, l’adepte humain ordonna à sa créature de capturer du gibier afin de partager un repas convenable. Par malchance, la route qui menait de Grand-Foire à Hanto jalonnait des plaines désertiques dont la faune et la flore n’avaient rien de comestible. La chasse de l’espagra se révéla bien infructueuse et ce dernier nous ramena à plusieurs reprises des carcasses de scorpions géants nauséabondes et des cadavres à l’état de décomposition. Je commençais à croire que la présence de Raven ressemblait à ces tournois de maîtres d’armes où l’on imposait aux duellistes les plus expérimentés des handicaps pour les pousser à se dépasser…

Tant bien que mal, c’est grâce à l’eau que nous avions à profusion et aux maigres restes des rations de voyage que nous arrivâmes aux abords du village d’Hanto, avec une faim démente qui tiraillait nos estomacs. Tandis que nous dressions notre campement pour la nuit, non loin de la périphérie du village, nous aperçûmes un jeune homme vêtu à la manière d’un mendiant qui semblait provenir du village d’Hanto. Ce dernier tenait entre ses mains un panier d’osier rempli de fruits des plus appétissants. Sans même tarder, nous invitâmes l’adolescent à partager avec nous une boisson chaude, autour du feu de camp. Il accepta et se présenta à nous, en nous invitant en retour à profiter de la nourriture qui se trouvait dans son panier.

Il s’agissait de l’adepte humain guerrier Izraphaël Chant-de-Guerre qui depuis quelques années déjà, menait une vie d’errance et de pauvreté en parcourant Barsaive. Dans le cours de la soirée, il s’était présenté aux portes d’Hanto pour demander l’hospitalité, celle-ci lui fut refusée à l’entrée mais un panier de fruits lui fut accordé en compensation. Izraphaël n’avait aucun endroit où aller et n’avait pas le sou pour vivre, nous lui proposâmes donc de rejoindre notre mission pour laquelle il serait à coup sûr récompensé par le riche nain Charboyya. Et c’est ainsi qu’Izraphaël vint gonfler nos rangs…

Une fois les tours de garde mis en place, la nuit fut calme et paisible, aucun d’entre nous n’avait eu à déplorer un incident durant sa surveillance. Le lendemain matin, nous prîmes un petit déjeuner essentiellement constitué de fruits et décidâmes de reprendre la route. Nous touchions au but, le village étant juste devant nous et les lettres à nos côtés, il ne restait plus qu’à les livrer…

Le village d’Hanto était de taille moyenne, de larges et épaisses murailles se dressaient sur son pourtour, empêchant quiconque de s’introduire clandestinement et réduisant le danger d’une éventuelle attaque de voleurs. La structure du village était encaissée dans une zone défrichée et dégarnie de toute végétation de telle sorte que l’on nous vit arriver de bien loin. Tandis que nous approchions du village, je remarquai pléthore d'éléments plus singuliers les uns que les autres.

De la vue d’ensemble du village que nous possédions, nulle activité ne semblait transparaître de la bourgade natale du tailleur nain Charboyya. Le chemin de terre qui menait aux portes d’Hanto était dénué de tout passage: pas de caravanier, pas de commerçant, pas de chariot, ni même de cavalier. La seule once de vie que je fus capable de détecter provenait d’un orque et d’un troll, vêtus tous deux de pantalons de cuir noirs et d’armures de cuir cloutées ornées d’une tête de mort, qui construisaient à la force de leurs bras et à la sueur de leurs fronts un édifice qui semblait devoir ressembler à une tour de garde, une fois achevé. Plus troublant encore, arrivés à l’entrée du village, nous distinguâmes deux Cadavéreux dans un état de dépérissement avancé et équipés d’armures de plaques complètes, qui se dressaient immobiles, tels des chiens de garde.

Que faisaient donc là des créations d’horreurs ???

Lorsque le troll et l’orque nous aperçurent, ils avertirent au pas de course la personne qui semblait être leur supérieur. Ainsi, un orque assez distingué et soigné, équipé d’une armure de cuir similaire à ses hommes et à la ceinture garnie d’une épée courte et d’une épée longue, vînt à notre rencontre. Derrière lui, se tenait un troll d’une stature impressionnante équipé d’une hache gigantesque. Un léger coup d’œil dans l’Astrale me permit d’apprendre que l’orque possédait le tissage des lames tandis que le troll s’adonnait à la discipline des écumeurs du ciel. Ces derniers se présentèrent et nous en fîmes autant, le premier répondait au nom de Kwam, le Duelliste et le second se faisait appeler Arkhard Gah.

L’attitude de Kwam ne me plaisait guère, la fierté est par définition présente chez tous les maîtres d’armes, mais chez lui, elle avait atteint un paroxysme qu’il m’était difficilement supportable. L’orque pris une position de supériorité et entama sa petite déclaration, avec un sourire non dissimulé. D’après ses dires, le village d’Hanto était placé sous le joug d’une quarantaine dont la durée restait pour le moment indéterminée. Nulle personne ne pouvait sortir du village et aucune ne pouvait y rentrer.

Outré par une telle mesure et interpellé par les forces en présence qui avaient pu déclarer un tel état martial dans le village natal de Charboyya, je m’osai à demander qui étaient les instigateurs de cette mesure de sécurité. Kwam, qui ne perdait pas son sourire en coin et qui redoublait de son excès de fierté, répondit que la Légion du Crépuscule avait pris le contrôle du village afin de le débarrasser de la présence d’une horreur. Il ajouta que cette opération était menée à bien par l’adepte orque nécromancienne Moltaa, la Purificatrice qui envisageait de brûler Hanto, si la Légion du Crépuscule n’arrivait pas à circonscrire le mal.

La Légion du Crépuscule, voyons…maintenant que les détails me revenaient, il s’agissait d’une société secrète de Barsaive composée d’un flot extrémiste d’adeptes dont les seules motivations étaient d’annihiler les Horreurs. Voilà une complication à laquelle nous ne nous attendions pas…

En ma qualité de membre de la fondation d’Amarante, je pris les devants et m’expliquai avec Kwam des lettres que j’avais pour mission de livrer aux habitants d’Hanto. Après que l’adepte orque eut consulté sa supérieure, il me proposa l’arrangement suivant. Il promit, sur sa parole de maître d’armes, de remettre en main propre et le soir même les lettres aux personnes concernées, et m’assura que nous pourrions en obtenir les réponses le lendemain. Nous n’avions pas véritablement le choix et les négociations s’étaient déjà montrées assez rudes pour refuser un tel accord. Nous acceptâmes donc et installâmes notre camp pour la nuit, au même endroit que la veille, il ne nous restait plus qu’à attendre…

Le lendemain, comme promis, Kwam amena Laveria, Emberica, Orweia et Chereca aux portes d’Hanto. L’atmosphère qui régnait lors de cette entrevue était imprégnée d’un sentiment de peur et de crainte oppressant. Les proches de Charboyya étaient particulièrement aphasiques, inexpressifs et dénués de vie. Dans la tension la plus totale, des regards tacites s’échangeaient entre les membres de la Légion du Crépuscule et les villageois qui semblaient soumis à la loi du silence.

Étant donné que nul papier à lettres, ni encre ne pouvait sortir du village d’Hanto, Izraphaël se chargea de transcrire les réponses orales de chacun des villageois en inscriptions runiques qu’il traçait, sur la lame de son épée courte. Pendant que les villageois transmettaient leurs réponses, il devenait de plus en plus évident que des forces étranges étaient à l’œuvre à Hanto : Laveria réputée pour être une dynamique dirigeante de village était plus proche de la non vie que les Cadavéreux et Emberica que Charboyya nous avait décrit comme susceptible ne répondait pas à nos multiples et répétées provocations…

Une fois les réponses transmises, l’affaire semblait donc bouclée pour les membres de la Légion du Crépuscule. Nous nous retranchâmes dans la forêt aux alentours d’Hanto et à partir de cette retraite, nous envoyâmes le shakta de Raven au siège de la fondation d’Amarante de Grand-Foire, avec ma Rose des Vents en tant que preuve de bonne foi, afin de recueillir de l’aide. Nous nous apprêtions à attendre son retour, lorsque le cri d’une femme soumise à la douleur se fit entendre en provenance du village natal de Charboyya.

Le danger rôdant à Hanto devenait désespérément trop grand pour que nous puissions attendre le retour du shakta, ainsi nous décidâmes d’un plan afin de nous frayer un chemin dans la zone de quarantaine. Notre stratagème consistait à ce que je provoque en duel le maître d’armes Kwam, le Duelliste afin de pouvoir négocier notre entrée en cas de victoire. Les conséquences prises à mon encontre en cas de défaite risquaient d’être sévères, mais le jeu en valait la chandelle et par ailleurs, aucune autre solution ne s’offrait à nous…

En conséquence, je me présentai à l’entrée du village et fis appeler Kwam. Lorsque celui-ci arriva aux portes d’Hanto, je le provoquai en duel pour avoir manqué à sa parole maître d’armes, en me fournissant ainsi qu’à mes camarades, des simulacres de réponses édulcorées aux lettres du tailleur nain Charboyya. Tandis que je me préparai à marchander avec lui l’entrée dans le village si la victoire devait être mienne, j’aperçus chez l’orque une détermination implacable et une rage de vaincre indicible. Pour la première fois, je sentis que le combat pouvait me coûter la vie…

Mon entraînement durant ces longues années auprès de mon maître, le Commandeur Francis, Coup Précis m’avait appris à jauger la puissance de mes adversaires. Et pour le coup, je pressentais ce combat comme le plus âpre que je n’ai jamais eu à mener car mon adversaire et moi étions de niveau équivalent. Je savais désormais que le combat ne se jouerait pas sur nos aptitudes de combat mais que le vainqueur serait celui qui désarçonnerait le premier son rival de ses allusions sarcastiques. Sans réfléchir, je laissai déferler sur l’orque un flot intarissable de sarcasmes insidieux et calomnieux. Piqué au vif, Kwam se jeta sur moi et provoqua une tempête de fers qui m’effleura tout juste à cause de la déconcentration provoquée par sa colère. Il fit jaillir de son épée longue une lame spectrale qui n’eut pas plus de succès. J’en profitai pour prendre l’ouverture et lui asséner une riposte magistrale dans un style purement académique.

Conscient que chaque coup de mon adversaire pouvait m’être fatal, je me trouvais malgré tout dans mon élément, galvanisé par mon flirt avec la mort…

Était-ce donc cela la danse du maître d’armes dont j’avais si souvent entendu parler ?

Plus que jamais je me sentais vivre, si proche de la mort que je pouvais être. Les coups qui suivirent ma riposte laissèrent Kwam inconscient au sol, et alors que je quittais la transe de l’affrontement, je réalisai que l’imminence du danger m’avait empêché de passer un accord afin de rentrer dans le village en quarantaine. Un orque posté sur la tour de garde en construction sonna l’alerte de sa corne de bataille. Je récupérai la puissante épée longue laissée au sol par Kwam afin d’en doter Izraphaël puis je partis me réfugier, au pas de course, en direction des bois dans lesquels l’adepte guerrier et Ombre Blanche m’attendaient, pour prendre les hommes de la Légion du Crépuscule en embuscade. Lorsque je tendis l’épée de Kwam à Izraphaël, cette dernière retourna an lévitant auprès de son possesseur. Or, si l’objet à trames était revenu aux côtés de l’orque, cela signifiait qu’il n’était pas mort…

Kwam…nous étions donc destinés à nous revoir…

Le bras de Moltaa la Purificatrice fut assez grand pour nous atteindre. Alors que nous attendions des membres de la Légion du Crépuscule qu’ils sortent du village afin d’en venir à bout, la nécromancienne mis à nos trousses trois horreurs astrales issues de ses invocations. Nous nous occupâmes tous trois d’un adversaire chacun. Les horreurs essayaient de nous déchiqueter de leurs griffes de ténèbres, ce que je n’aurais pas pu permettre étant donné ma garde-robe toute neuve. Chaque fois qu’un de nos ennemis tombait, il était remplacé par trois autres. Raven nous ayant faussé compagnie, nous décidâmes, un bleu à l’âme, de fuir vers la capitale devant notre impuissance face à la situation, condamnant probablement Hanto aux flammes…

Le retour à Grand-Foire s’était effectué dans la consternation la plus totale, nul n’osait repenser au fiasco qui avait pris forme à Hanto et encore moins au récit de notre mission que nous allions devoir exécuter auprès de Charboyya. Nous nous rendîmes à l’échoppe du tailleur qui nous reçut ainsi qu’Izraphaël dans son bureau. Pendant quelques dizaines de secondes interminables, un silence malsain régna et Charboyya s’irritait au fur et à mesure…

Je décidai donc de m’atteler à la tâche ingrate qui consistait à faire le récit de notre mésaventure au tailleur nain. Une idée traversa mon esprit ainsi que ceux de mes compagnons d’infortune, après tout, nous avions amené les lettres à bon port, nous avions les réponses aux missives gravées en inscriptions runiques sur l’épée courte d’Izraphaël, j’aurais très bien pu me suffire de cette vérité.

Mais aurais-je pu me regarder à nouveau en face, après une telle exaction?
Non…car seule l’Honneur compte à mes yeux…

Je décidai donc d’encourir la fureur du notable nain en lui faisant part du récit des évènements tels qu’ils étaient arrivés et tel que vous les lisez. Le tailleur nain Charboyya fondit en larmes bien avant d’avoir fini de m’écouter et nous jeta au-dehors de son enseigne, hurlant qu’il ferait remonter cette affaire à la cour…

Si le hasard, avec lequel les Passions jouent, vient à amener ces écrits sous vos yeux, maître artisan Charboyya, sachez que je partagerai à jamais la peine liée à la disparition de vos proches et que mon esprit n’aura pas de répit tant que je n’aurai pas sonné le crépuscule de cette ténébreuse légion…

- Gil Galad Pointe d'Argent

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