Elémentaire
Celui qui parlait aux esprits des éléments
« Se dire Dragonaute signifie être l’Élu des Passions et donc accepter de se comporter en tant que tel… »
Gil Galad Pointe d’Argent
Dès mon retour dans la gigantesque ville bazar, après avoir affronté les dangers de la jungle de Liaj, mes premiers pas me guidèrent au siège de la fondation d’Amarante de Grand-Foire. En effet, en tant que frère voyageur, je me devais de réaliser le rapport de ma dernière exploration en date, à mes supérieurs hiérarchiques. Je demandai donc audience auprès de mon Commandeur Glacius Belle Voix, adepte orque troubadour de grande renommée. Les propos échangés furent brefs, je lui certifiai que nous avions sauvé le légendaire élémentaliste Giltero, le Prophète et que ce dernier s’était rendu auprès du dragon Écaille Céleste, comme cela était convenu. La dette de la fondation d’Amarante envers le seigneur draconique appartenait au passé…
Bizarrement, sur ces dires, il me sembla ne rien apprendre au Commandeur. Ce dernier, au terme de mon élocution, me remit une lettre sur laquelle un sceau élémentaire de terre semblait avoir été apposé et me salua respectueusement, vaquant aussi vite à ses occupations. Une fois sorti du bureau du Commandeur Glacius Belle voix, je m’empressai de me rendre auprès du novice attaché à la conciergerie de la fondation d’Amarante de Grand-Foire pour prendre des nouvelles de ma douce Lady Dérobade. Pour mon plus grand malheur, cette dernière se trouvait en mission à Iopos…
Tandis que je sortais du siège, empruntant la Voie Royale de Grand-Foire encombrée par une foule dense de passants et essayant de faire le deuil de l’absence de l’élue de mon cœur, je tombai nez à nez avec mon compagnon de route Ombre Blanche qui semblait lui aussi profiter de la splendeur matinale de la capitale. Pour fêter notre rencontre, l’adepte archer elfe se proposa de m’offrir le couvert dans une auberge de renom de Grand-Foire. Le repas fut un véritable festin, on nous fit servir du vin elfique ainsi que de la bière naine en ce qui concernait les boissons et plusieurs carrés de skéorx et de l’espagra grillé en tant que plat de résistance.
C’est sur la fin du repas que je pris la décision d’ouvrir la lettre que le Commandeur Glacius Belle Voix m’avait confié. Lors de l’ouverture, le sceau élémentaire se brisa et tomba en poussière au sol. Aux premiers abords la lettre se révéla être un simple rouleau de parchemin, vierge de contenu. Puis lorsque mes yeux se posèrent sur le papier, les caractères apparurent au fur et à mesure que je progressais dans ma lecture. Il s’agissait d’une lettre de l’élémentaliste de grande renommée : Giltero, le Prophète. Ce dernier expliquait qu’il avait passé une grande partie de sa vie à l’étude des Dragonautes et de leurs destinées et qu’il en avait fait son domaine d’étude privilégié.
Il précisait qu’il possédait dans un laboratoire désormais abandonné, deux pierres de la destinée des Dragonautes : l’Émeraude et l’Orichalque. D’après sa description, ce laboratoire ressemblait à un kaer à plusieurs étages dont l’entrée serait marquée par un immense monolithe toisant les cieux à proximité de la jungle de Servos. Enfin, il prit soin de me préciser que ses serviteurs élémentaires étaient les gardiens de ce lieu et qu’ils constitueraient de farouches combattants. La lettre mentionnait de même la venue sous les deux jours, au siège de la fondation d’Amarante de Grand-Foire, de deux personnes prédestinées à devenir des porteurs de pierres : une nécromancienne elfe faisant partie de l’Armée d’Écaille du dragon Écaille Céleste et un guerrier mystérieux du nom de Sephiroth, Break Shadow. Les écrits mentionnaient aussi les noms de mon camarade Ombre Blanche et celui de notre récent compagnon de route : Raven, Corbeau Noir.
Les Dragonautes…un kaer à étages…des élémentaires gardiens…cela ne me disait rien qui vaille…
Je décidai donc de recruter un guide qui nous serait utile, pour parvenir au plus vite à notre objectif, j’engageai donc un adepte troll barbare réputé pour connaître la région : Llorad G’laark. Ses connaissances et sa force de frappe pourraient se révéler efficaces en cas de problèmes majeurs ou essentiels…
Les deux jours d’attente annoncés par Giltero s’écoulèrent rapidement, installé dans ma demeure récemment acquise à m’entraîner d’arrache pied simulant un duel contre Kwam, le Duelliste. Le jour dit, je me trouvais auprès du documentaliste Bertrand, Marque Page de la bibliothèque du siège de la fondation d’Amarante, lorsque on m’annonça l’arrivée de Raven et Ombre Blanche dans le hall principal. J’eus à peine le temps de venir auprès de mes compagnons de route et d’échanger quelques salutations que le novice Michel, Pas léger me fit parvenir la nouvelle de l’arrivée de Sephiroth, Break Shadow et de Sham’ran, la Perspicace. Tandis que je me dirigeai vers la salle d’accueil aux invités, j’aperçus au loin l’ombre menaçante de Llorad G’laark s’avancer vers les portes du siège de la fondation. Ce dernier nous rejoignit et après quelques présentations des plus sommaires, nous nous dirigions tous quatre en direction de la salle de réception des invités pour se retrouver enfin au grand complet.
Une fois entré dans la salle de réception de la fondation, c’est là que j’aperçus pour la première fois les personnes mandatées par Giltero, le Prophète. Il y avait un humain de bonne taille, tout de noir vêtu, portant un long et ample manteau de cuir ne laissant entrevoir que deux sombres jambières de cuir qui venaient remonter jusqu’à ses genoux. Ses cheveux longs et blancs retombaient avec grâce sur ses épaules, contrastant avec ses yeux verts mako, il s’agissait là sûrement du précité Sephiroth, Break Shadow.
A ses côtés, se tenait une elfe au teint blafard et au visage marqué par de lourdes cernes. Toute de noir vêtue, elle arborait divers symboles cabalistiques tels que des têtes de mort et des ankhs, à n’en pas douter : la nécromancienne Sham’ran la Perspicace de l’ordre de l’Armée d’Écaille du dragon Écaille Céleste. Arrivé à leurs niveaux, je me présentai en ma qualité de membre de l’Amarante ainsi que mes compagnons de route Ombre Blanche, Raven et le mercenaire troll Llorad G’laark. La discussion tourna rapidement autour des pierres de la destinée des Dragonautes, cet échange me sembla plutôt univoque et restreint, apparemment notre manque de familiarité entrava le flux des informations…
Suite à une réflexion menée par notre éclaireur tout récemment engagé, nous décidâmes d’accord en accord de passer la nuit à Grand-Foire pour mieux entamer notre voyage le lendemain. Je pris le soin de faire préparer deux semaines de rations pour notre équipée et offrit le couchage à mes compagnons de voyage dans des chambres de novices de la fondation, sauf pour l’elfe nécromancienne à qui j’offris personnellement la couche, car les adeptes liées à la nécromancie étaient interdits de séjour dans nos bâtiments. La soirée et la nuit se passèrent au mieux, mon hôte fut ravie de son bain et de son repas qui l’entraînèrent tout droit dans un profond sommeil. C’est le lendemain, au petit matin que je partis, accompagné de mon invitée, en direction des portes de Grand-Foire pour rejoindre nos compagnons de route dans une ruée effrénée vers le laboratoire perdu de Giltero…
Il y a en vérité bien peu de choses à dire sur le voyage, il fut aussi tranquille que l’on pouvait l’espérer. Les talents de pistage et les connaissances de la région de l’adepte troll G’laark se révélèrent d’un grand secours et un bon choix pour cette expédition.
Nous avancions tous au galop, le troll chevauchait un dis, le reste de mes compagnons des chevaux de monte. Pour ma part, je m’en remis à mon cheval de guerre : Nightmare. Au bout d’une semaine, nous arrivions à proximité de la jungle de Servos où un monolithe immense semblait déchirer la voûte céleste, tel que Giltero l’avait décrit. Une fois plus proche, Sham’ran la Perspicace se rendit compte grâce à ses talents de nécromancienne, que le monolithe était recouvert d’écritures magiques aussi complexes que variées et anciennes.
Environ une heure d’étude permit à l’adepte des arts magiques de retirer la quintessence des écrits magiques inscrits dans la pierre. Il s’agissait d’une mise en garde contre les esprits protecteurs de ce lieu. Elle découvrit un renforcement dans lequel se trouvaient trois orifices identiques de formes cristallines. Un simple regard échangé avec Ombre Blanche nous suffit à nous accorder sur le fait que les cristaux que Giltero nous avait offert en guise de présents devaient rentrer dans ces orifices. Néanmoins, mon esprit et celui d’Ombre Blanche étaient déjà tournés vers la troisième pierre qui demeurait manquante…lorsque celle-ci apparut dans les mains de Sham’ran, la Perspicace qui avait occulté de nous préciser ce détail. Malgré une certaine réticence, je me résolus ainsi que mon camarade archer elfe à placer ma gemme. Lorsque les trois pierres furent placées, le monolithe se déplaça laissant apparaître un escalier s’enfonçant dans les ténèbres.
Avant de courir au-devant de nouveaux périls, je pris le temps de trinquer à la santé de Rorbar Kritus avec mon ami Ombre blanche pour que ses bons soins nous accompagnent tout le long de l’exploration de cet étrange endroit.
Le rez-de-chaussée était constitué d’une forge dont le foyer flamboyant du fourneau éclairait des pièces d’armures rouillées, un atelier de sculpteur dans lequel étaient entreposés des blocs de matériau massifs et une statue représentant Minbruje, la Passion de la Justice. Il y avait aussi une salle contenant une étendue d’eau et une réserve de jardinier où outils de travail et terreau étaient stockés. Le groupe se divisa très vite, la curiosité de chacun était attisée au plus haut point. Pour ma part, un rapide coup d’œil dans l’Astrale me permit de percevoir le surnaturel du feu qui animait la forge. C’est alors dans le plus nobles des langages que je m’adressai à ce que je supposais être un élémentaire de feu, clamant la bénédiction de Floranuus, Passion aux traits de flammes et aux pas véloces. L’esprit élémentaire me montra respect et m’accorda le passage, en tendant les bras vers l’étage suivant.
Je pris les devants d’une partie du groupe composé de Sephiroth et Ombre Blanche tandis que Sham’ran et le Llorad semblait avoir désespérément disparus, nous devançant toujours dans notre avancée. La traversée des quatre étages suivants nous confronta à des chambres depuis bien longtemps abandonnées, une cuisine à l’abandon de laquelle se dégageaient des odeurs nauséabondes. Sur le chemin nombreux furent les brasiers rencontrés, les étendues d’eau évitées et les bourrasques de vent traversées. Nous essayâmes d’avancer au mieux toisant les éléments, priant Floranuus pour apaiser les avatars ardents, invoquant la paix au nom de la toute puissante Garlen et apaisant les incarnations venteuses en tant que porteur du Saphir.
Notre ascension se passa au mieux jusqu’au cinquième étage où cinq élémentaires de terre nous assaillirent de leurs coups lourds et puissants. Agenouillé en signe de respect, les élémentaires semblèrent ne même pas m’avoir vu. Néanmoins les caractères fougueux et belliqueux de mes camarades d’infortune les entraînèrent dans un combat sans merci auquel Ombre Blanche réchappa de peu. C’est grâce aux acrobaties du plus bel effet et aux talents de stratège de Sephiroth que nous pûmes réussir une retraite, toujours en avançant vers l’étage suivant.
Une fois les dernières marches gravies, un spectacle incroyable s’offrit à mes yeux. Nous étions arrivés dans une pièce d’une taille sans précédent, les murs étaient recouverts de fresques et la salle avait pour seul et unique mobilier un grand trône de magnifique facture sur lequel reposait un merlin. Les fresques murales représentaient sans aucun doute les porteurs des Pierres : les Dragonautes…
On y reconnaissait sans s’y tromper un nain dont on n’aurait dit qu’il s’agissait de Gotrek, l’Intouchable, un elfe de forte ressemblance avec Ombre blanche, Raven représenté sous des traits bestiaux, Sham’ran, Sephiroth et son manteau de cuir aisément reconnaissable, moi-même et… pour finir… non… impossible… Sophie… Ellis… Bextor…
L’adepte navigatrice aérienne théranne de grand renom, enceinte de surcroît…celle-là même qui dans le passé nous a tant humilié lors de l’affaire de la confrérie de Bercham. En opposition à cette fresque se trouvait la représentation d’un groupe identique au précédent, avec seulement pour différence Sophie Ellis Bextor, plus ténébreuse que jamais et qui semblait ne plus être enceinte
Qu’est que cela pouvait bien signifier ???
Et que pouvait-on penser de cette scène horrible représentant une griffe terrible qui semblait sortir d’un sceau magique…non…cela ne pouvait…pas cette aberration de Zéhmial…et ce démon au corps d’albâtre…ne serait ce pas son engeance…tous ces motifs me rappelait ma lecture tremblante de la Prophétie des Dragonautes que mon camarade elfe Ombre Blanche possédait. Ma rêverie prolongée due à l’examen de ces fresques fut troublée par l’irruption de Raven qui se mit en travers de mon chemin. Pris par mes observations, je n’avais pas même aperçu ce dernier. Il tenait dans la main une émeraude de taille imposante et me toisait, plein de béatitude et de fierté. Il s’avéra qu’il avait trouvé cette pierre sur la fresque d’après ces dires…
Le merlin, en appui sur le trône, lévita et se dirigea à une vitesse fulgurante vers l’étage supérieur et dans un éclair de lumière éblouissant un élémentaire colossal apparut au centre de la salle, son corps semblait être un savant mélange des quatre éléments primaires et laissait émaner une aura puissante. Au niveau de son front se trouvait incrustée l’une des sept pierre des Dragonautes : l’Orichalque. Nous étions donc condamnés à affronter cet adversaire et chacun d’entre nous le savait…
C’est ainsi que je me lançai aux côtés de Sephiroth et Raven dans la danse trépidante de nos fers, protégeant de la sorte notre camarade Ombre Blanche qui récupérait de notre rencontre hasardeuse avec les élémentaires de terre. C’est au moment de l’assaut, lorsque mon cœur entama sa cadence effrénée et macabre qui mène les guerriers vers leur destin que je la ressentis pour la première fois…elle était là, omniprésente et omnisciente, dévorant tout mon être, me paralysant presque l’esprit…oui…c’était bien cela…pourtant que ce soit confronté au bourreau de Dagamil ou au Croquemitaine de la famille Rague, jamais cette dernière n’avait fait surface, effacée par un désir inexplicable de vaincre…mais là…oui…la Peur…
Oui…j’avais peur de…mourir…mais pourquoi ???
Oui pourquoi maintenant et pas dans le passé ???
C’est en fermant les yeux une fraction de seconde, alors que j’entendais les griffes de Raven crisser sur le corps de ce monstre élémentaire et l’épée de Sephiroth ricocher sur son armure corporelle, oui c’est là que je compris…elle était là, imprimée dans mon esprit, tel un souvenir immuable, son sourire…
Lady Dérobade, c’est de peur de te perdre que je crains la Mort…
L’esprit ailleurs mon coup n’eut pas plus de succès que ceux de mes camarades. Malgré nos tentatives répétées, le combat s’éternisa sans que les acrobaties exceptionnelles de Sephiroth ni mes coup répétés avec la Mangeuse d’âmes ne purent atteindre le terrifiant élémentaire. Tandis que le combat faisait rage, que le monstre d’eau de feu, de terre et d’air déchaînait une colère des plus rageuses sur nous, Llorad et Sham’ran apparurent. Cette dernière incanta puis invoqua de ses gestes amples une malédiction sur notre adversaire qui sembla se flétrir sur l’instant. L’adepte troll barbare se jeta alors au combat armé du merlin auparavant appuyé contre le trône. Malgré toute la puissance de ses coups, Llorad se révéla impuissant contre le géant élémentaire qui nous faisait face et ne put pas même l’égratigner.
C’est en surmontant ma peur, balbutiant au plus profond de moi le nom de ma Lady, que je me ruai sur notre opposant…
…Déborah…Déborah... Déborah…
Empoignant au passage le merlin que Llorad G’laark me lança, je mis toute ma rage, ma volonté de vaincre et mon envie de survivre dans cet ultime assaut. L’élémentaire s’effondra sous la puissance de l’impact et se dissipa dans un éclat de lumière aveuglant.
Après nous être remis de ce combat des plus éprouvants, je gravis les escaliers qui me séparaient du dernier étage, c’est alors que j’entrai de plein pied dans une salle de culte circulaire dans laquelle se trouvait installées des statues représentant les Passions sous l’apparence de douze nains. Je rentrai alors dans une méditation des plus pieuses après avoir déposé une potion de guérison au pied de Garlen, un sifflet à ceux de Astendar et des pièces d’argent devant Chorrolis.
Les deux pierres de Dragonautes récupérées, nous fîmes route de nouveau vers Grand-Foire. Le retour fut aussi calme que l’aller et six jours après notre départ, nos pas nous menaient déjà à la Grande Porte de Grand-Foire derrière laquelle se profilaient les entrées béantes des kaers des Monts Throal…
- Gil Galad Pointe d'Argent